Le personnel de la bibliothèque de l’Université de l’Alberta partage une grande passion pour l’information et nous sommes toujours à la recherche de nouvelles façons de nous y intéresser et de la rendre plus accessible pour nous et notre communauté. En mars, lorsque la crise de la COVID-19 a entraîné un changement soudain dans notre vie à tous, certains membres du personnel de la bibliothèque ayant des penchants pour le tricottage on eu l’idee de lancer un projet de création unique. . Le projet “Stitching the Curve” cherche à capturer les nombres de cas au quotidien de la COVID-19 à travers le Canada dans une œuvre de filature.
Ce projet s’inspire de nombreux projets similaires, tels que des foulards fabriqués à partir de données de trains allemands ou des châles qui représentent le temps de parole du conseil municipal de Montréal selon le genre. La matérialisation des données est une tendance qui consiste à traduire des données du monde réel en objets matériels. L’objectif de ce processus est de mettre en valeur l’information de manière unique, d’utiliser les données de manière plus pratique et, dans certains cas, de produire un objet final qui sert de représentation d’un problème social particulier.
L’objectif du projet Stitching the Curve est de saisir les données très fluides des cas de COVID-19 à travers le pays, données qui ont un impact sur tout le monde. Le projet a mobilisé onze membres de notre personnel, dans tous les départements, et nous tricotons ou crochetons chacun une bande de matériel pour chaque province et territoire du Canada. Notre collègue, Peter Binkley, bibliothécaire spécialisé dans les technologies et études numériques, a créé un script pour mettre à jour ces données quotidiennement à partir du flux CSV de la maladie coronavirus de Santé Canada (COVID-19) : Site de mise à jour sur les épidémies. Les participants au projet utilisent tout le matériel dont ils disposent à la maison et sélectionnent quatre couleurs différentes, chacune représentant une gamme de numéros de cas – ainsi la couleur 1 représente 0-5 cas, la couleur 2 6-25 cas, la couleur 3 25-100 cas et la couleur 4 100+ cas. Lorsque le temps le permet, les participants vérifient la fiche technique et tricotent deux rangées (avant et arrière) dans la couleur attribuée aux numéros de leur journée. Cela donnera un long morceau de tissu rayé qui, lorsque nous pourrons tous retourner au travail, sera cousu pour former une couverture qui représente les données de tout le Canada. Tous les détails du projet sont détaillés dans notre document de projet public.
Cela fait maintenant plus d’un mois de couture pour nous tous et le projet s’avère intéressant et percutant pour nous. Jusqu’à présent, ceux d’entre nous qui gèrent le groupe ont beaucoup appris sur la fluidité des données épidémiologiques et les critères de collecte des informations varient beaucoup d’un bout à l’autre du pays. Nous avons dû apporter quelques ajustements au scénario produisant nos données à plusieurs reprises. En tricotant les données au fur et à mesure, nous apprenons à quel point la situation de la COVID-19 est chaotique et nous apprenons à accepter le chaos, à accepter les divergences et les changements, tout comme nos responsables de la santé publique doivent le faire, tout en prenant des décisions qui sauvent des vies. Beaucoup d’entre nous ont remarqué que ce que nous faisons est à la fois un projet d’archivage de données mais qu’il nous rassemble aussi dans une tâche commune, même si nous sommes tous séparés.
J’ai demandé au groupe de me faire part de leurs réflexions sur le projet jusqu’à présent :
“La pratique de travailler avec des données de la Covid-19 est devenue un rituel contemplatif constant pendant mes journées. Il combine tant de choses que j’aime – l’information, la documentation, la communauté et la création – et me donne l’occasion d’être présent à la réalité de ce qui se passe et de me souvenir des personnes que ces données représentent”.
– Hailey Sitacky
“Ce projet a été très intéressant. C’est agréable de faire partie d’un projet de groupe alors que nous sommes tous coincés chez nous, et le fait de crocheter des statistiques pour chaque jour m’aide à m’engager de manière significative avec les données. Je pense que nous aurons une combinaison de couleurs et de textures différentes une fois que tout cela sera réuni”.
– Kara Blizzard
“J’étais très enthousiaste à l’idée de participer à ce projet, un projet facile à tricoter pour passer le temps et faire partie d’un “quelque chose” collectif. Ma province est le Nouveau-Brunswick, où les chiffres ont été extrêmement faibles, ce qui est merveilleux, mais je suis toujours en conflit lorsque je tricote, car mon échantillon est principalement noir avec quelques lignes de violet foncé. Les couleurs sombres pour les petits nombres et plus claires pour les grands nombres semblent être en conflit avec mes idées de “bonnes” et “mauvaises” couleurs ou de représentations de l’intensité. Pendant que je tricote, j’ai beaucoup réfléchi aux chiffres et à la faiblesse de la population du Nouveau-Brunswick, qui s’explique probablement par la petite taille de la population, mais je me suis demandé s’il y avait d’autres raisons à cela. J’ai aussi beaucoup réfléchi aux raisons pour lesquelles les chiffres pourraient fluctuer au-delà du nombre réel de cas de Covid-19 ; les paramètres de dépistage changent constamment, ce qui pourrait aussi entraîner des fluctuations extrêmes et des variations quotidiennes comme les chiffres du week-end qui sont généralement plus faibles. J’espère que les chiffres continueront à être faibles au Nouveau-Brunswick, même si mes couleurs sont un peu sombres…”
– Connie Winter
Le projet “Stitching the Curve” sert de test pour plusieurs d’entre nous qui travaillons au Centre d’études numériques de la Bibliothèque. Depuis un certain temps, nous explorons l’idée de former une communauté de physicalisation des données qui rassemblerait des étudiants, des professeurs et toute personne intéressée, pour travailler sur des projets qui présentent l’information de manière unique. Pour ceux qui souhaitent suivre nos progrès sur les médias sociaux, nous utilisons le hashtag #stitchingthecurve sur Twitter et Instagram. Pour de plus amples informations sur le projet, n’hésitez pas à contacter Hanne Pearce à l’adresse hanne.pearce@ualberta.ca.
Traduit de l’anglais par Linda G.