Voici une interview spéciale en deux parties avec notre vice-doyen La première partie (publiée hier) revient sur l’année 2020 et sur les changements qu’elle a apportés à la bibliothèque d’UAlberta. La deuxième partie, publiée aujourd’hui, porte sur les perspectives pour l’année 2021 et au-delà.
Avez-vous une idée de ce à quoi ressembleront les bibliothèques à l’avenir ?
En regardant assez loin dans l’avenir, disons dans une génération, je pense que nous allons passer à une autre ère de gestion collective des collections. À l’heure actuelle, je constate que nous sommes clairement passés d’une ère où les bibliothèques se sont plus ou moins tournées vers elles-mêmes pour constituer et gérer leurs collections à une ère où la gestion partagée des collections d’imprimés devient la norme. L’un des changements clés de cette évolution a été la notion de propriété commune d’un seul exemplaire d’un livre, comme l’a codifié le projet Keep@Downsview en Ontario, où si plusieurs membres du consortium envoient le même ouvrage au stockage, un seul exemplaire sera conservé et deviendra essentiellement la propriété commune de toutes les institutions qui ont envoyé un exemplaire. Je simplifie trop, mais le développement de collections collectives a une longue histoire qui remonte au XXe siècle.
J’observe qu’à l’heure actuelle, en 2020, nous travaillons encore avec un modèle mental où la copie physique d’un livre est la copie durable d’une œuvre tandis qu’une version numérisée de celle-ci est un instrument, destiné à être utilisé mais pas à remplacer la copie physique. Nous ne faisons tout simplement pas – en tant qu’espèce – suffisamment confiance aux supports de stockage numériques pour pouvoir les imaginer solides et immuables à travers les siècles, comme c’est le cas pour les livres imprimés. Pourtant, si l’on considère que l’ensemble de notre monde financier est presque entièrement numérique de nos jours, il n’est pas si radical d’affirmer qu’un jour viendra où nous aurons cette confiance et où nous commencerons peut-être à considérer un livre numérisé comme la copie principale et la copie physique comme un luxe pittoresque. Nous sommes encore loin du compte, mais je vois les signes qui vont dans ce sens. Lorsqu’on s’arrête pour réfléchir à toutes les façons dont un livre physique peut être “effacé” – vol, destruction gratuite, censure, feu, insectes, décomposition acide, simple insouciance – ce n’est pas comme si la durabilité d’un objet physique était moins une question de foi que de faire confiance aux médias numériques.
Mon autre remarque sur les tendances futures est que la conservation numérique va devenir une activité majeure dans les bibliothèques. À l’heure actuelle, nous vivons toujours dans un monde où la gestion du document est trop largement distribuée pour assurer sa survie. Ian Milligan, de Waterloo, en parle avec beaucoup d’élégance dans son travail d’historien. Les bibliothèques commencent tout juste à gratter la surface de la préservation numérique des objets nés sous forme numérique en dehors de nos institutions avec le travail qui se fait autour de l’archivage du Web. Avec l’augmentation de la capacité de calcul, ce travail va s’épanouir et devenir une fonction centrale des grandes bibliothèques de recherche, peut-être même de toutes les bibliothèques universitaires. Nous n’avons pas non plus encore assisté à l’échec cataclysmique d’une entité qui a effacé une partie des archives parce que l’ère Internet – d’un point de vue historique – n’est encore qu’un spot. Mais si l’on considère l’intense concentration d’informations numériques sur des plates-formes basées aux États-Unis ou contrôlées par les États-Unis, imaginez ce qui se passerait si un régime fasciste prenait le pouvoir et choisissait d’imposer sa vision singulière à cette collection d’informations incroyablement importante. Elle pourrait disparaître définitivement du jour au lendemain, avec seulement des bribes d’informations dans diverses collections hors de portée de ce gouvernement. Les bibliothèques ont toujours agi comme une protection contre cette tendance humaine, dans une certaine mesure, et nous devons continuer à le faire.
Comment allez-vous fêter le nouvel an 2021 cette année ?
Tranquillement, j’imagine, avec ma famille. J’espère que ma fille qui étudie à McGill pourra rentrer en avion pour les vacances ; c’est notre plan actuel, à moins d’un confinement sévère ou d’une autre intrusion virale. Nous allons probablement jouer à une sorte de jeu de société (Catan, et al.) et mes filles et moi allons presque certainement réserver une session à Ctrl-V et faire un peu de jeu de RV. C’est l’un des rares “luxes” auxquels nous nous livrons pendant la pandémie, car il est si bien adapté à la distance physique et très peu fréquenté. De plus, avec trois danseurs coincés à la maison, il y a plus de chances que la moyenne que nous réalisions une sorte de vidéo de danse. La dernière était complètement idiote, mais il y a quelque temps, nous avons eu l’idée d’apprendre une partie de la chorégraphie créée par Alvin Ailey. C’est d’une beauté époustouflante et j’ai du mal à exprimer ce que l’on ressent en la interprétant avec son propre corps. Cela touche à un endroit très profond de l’émotion. Enfin, nos vacances impliquent toujours beaucoup d’activités de plein air dans la neige et la glace, donc nous allons certainement faire de la raquette, du ski et/ou du patinage.
Merci Dale !
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Traduit par Linda G.